Depuis quelques années, les pouvoirs publics, aidés par des entreprises visionnaires, s’affairent à rendre la ville « plus intelligente ». Pour certains, la Smart City, c’est le futur technologique, la ville de François Schuiten avec des véhicules volants. Pour d’autres, c’est la ville désirable, résiliente, autosuffisante, prônant la sobriété foncière et énergétique. Dans tous les cas, cela nous évoque le progrès et l’amélioration des conditions de vie du citadin.

Les cités obscures, de François Schuiten

Cependant, en 2017, qui a du Wi-Fi dans les transports en commun ? Qui a vu sa consommation d’énergie baisser ? Qui ne prend plus sa voiture pour acheter de la nourriture? Qui reçoit encore des factures par courrier ? Quelle application peut se vanter d’améliorer notre quotidien sur des sujets aussi sérieux que la santé, l’emploi ou l’accès aux logements ?

Les start-up et les grandes entreprises collaborent avec les pouvoirs publics pour proposer des solutions innovantes, avec (et c’est normal !) un objectif économique. Faire voler des drones au dessus de la ville pour livrer vos courses faites en ligne, ça c’est smart ! Nous savons que tout est possible quand la cible est un client, un consommateur, un patient ou un travailleur.

Mais pourquoi n’arrivons nous pas à améliorer considérablement la vie des citoyens, des habitants, des électeurs ?

Mettre en oeuvre une approche centrée sur le citoyen plutôt que sur la technologie ou la nouveauté. Beau projet.

Les citoyens attendent aujourd’hui des services plus transparents, plus accessibles et plus réactifs de la part du service public. Ces attentes augmentent, du fait qu’elles sont largement satisfaites par les acteurs du privé, et rendent les citoyens frustrés face à des demandes basiques.

Pourquoi est-il possible d’ouvrir un compte bancaire en ligne en 20 minutes et d’attendre 3 heures pour faire une carte grise en préfecture ? Une partie du problème est que malgré leurs meilleures intentions, les autorités publiques continuent de concevoir et de fournir des services en fonction de leurs propres processus plutôt que des besoins des administrés. Nous pensons qu’il faut partir du besoin initial. Et qui mieux que des citoyens pour l’exprimer et pour réfléchir aux solutions possibles?

Dans le meilleur des cas, des associations comme le Citizen Clan se font le relais des citoyens qui s’expriment et proposent également de mettre en place bénévolement des solutions faciles et rapides à mettre en place. Dans la plupart des cas malheureusement, les besoins et les solutions se discutent avec les décideurs, notamment en passant par les élus et tout l’appareil administratif. Les temporalités politiques et administratives sont souvent incompatibles avec la temporalité technologique.

Pleins de bonne volonté, nourris par les exemples de Smart Cities à l’étranger, les décideurs mettent en place des expérimentations. Comment s’y prennent-ils ? Quelles sont les décisions prises à l’issue de ces expérimentations ?

La plupart du temps, ces expérimentations voient le jour après un long processus de concertation, d’étude, de conception. Ces phases sont très coûteuses pour le contribuable, du fait des nombreuses personnes sollicitées et des moyens mis en oeuvre. Par ailleurs, le lancement de l’expérimentation passera la plupart du temps par le processus classique et lourd de l’appel d’offre, qui peut décourager les petites structures ou les associations.  Et enfin, lors de la conclusion de l’expérimentation, et par manque d’indicateurs, on peut voir une obstination à continuer l’expérience, même si elle ne satisfait pas les citoyens.

Tout le monde est perdant, sauf ceux qui ont proposé leurs services révolutionnaires. Afin d’inverser la tendance à la dépense inutile et à la frustration grandissante, il serait intéressant d’envisager l’innovation publique et citoyenne de la même façon qu’une start-up conçoit un produit rapidement, à faible coût et par itération.

Le POC citoyen est né. L’association Citizen Clan, et bien d’autres initiatives locales, prouvent qu’il est possible avec 3 personnes, 100€ et quelques jours de temps libre de développer un « bot » permettant de fournir tout type d’informations aux citoyens.

Que propose réellement la « Smart City » ? Rien de bien intéressant si les citoyens ne s’impliquent pas, peut-être une belle vitrine technologique. Les seuls qui y trouvent satisfaction sont ceux qui ont vendu leurs services et les chargés de mission des collectivités publiques qui portent le projet .

Nous devons nous adresser à l’ensemble des citoyens, c’est d’eux que viendra l’intelligence, et non pas de la ville. Il y a autant d’intérêt à rendre les espaces publics attractifs et novateurs que les centres commerciaux ou les tours de bureaux.